TOUR DU MONDE DE L’HABITAT VU PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE

Accès à la propriété

Dernière mise à jour le 4 septembre 2019

Définition

En langage juridique, le droit de propriété se divise en trois « droits réels » : le frustes signifiant le droit de recueillir le fruit d’un bien, l’usus signifiant le droit d’utiliser un bien et l’abusus qui est le droit de disposer d’un bien (c’est-à-dire de pouvoir le transformer, le céder, le détruire). Posséder des droits réels au niveau foncier ou immobilier peut donc recouvrir un ou plusieurs de ces droits réels. (source : N. Bernard & P. Thys in « La terre est à nous » AITEC – publication RITIMO.)

Le « problème » de la propriété privée

La conception absolutiste du droit de propriété, qui s’était élaborée durant la Révolution française en réaction à l’Ancien régime (lequel avait, il est vrai, multiplié les sujétions à l’égard de la terre au profit de l’Eglise et des seigneurs notamment), requiert d’être revissée à l’aune des exigences sociales actuelle. La propriété privée est moins visée ici que la propriété privante, cette propriété négative qui, par son non usage, empêche toute utilisation effective du bien (et prive accessoirement autrui d’un logement). Il semble nécessaire aujourd’hui de circonscrire le pouvoir discrétionnaire du propriétaire. Et pourquoi pas, dans ce cadre, décider de prendre le droit de propriété pour un instrument soumis à certaines fins plutôt que de prérogatives strictement égoïstes ? C’est la raison pour laquelle il faut que la propriété ne puisse pas être absolue et qu’elle soit limitée par sa « fonction sociale« . (Source : N. Bernard & P. Thys – idem)

Selon les mouvements sociaux engagés pour le droit au logement dans le monde, et quand bien même le droit au logement est inscrit dans une Constitution nationale, ce droit est souvent mis à mal par cet autre droit inscrit bien souvent lui aussi dans les Constitutions nationales : le droit de propriété. D’où le mouvement mondial de pression pour la reconnaissance de la fonction sociale de la propriété.

Des politiques du « tout à la propriété »

Source : « La terre est à nous » – Pour la fonction sociale du logement et du foncier, résistances alternatives – collection Passerelle – AITEC – FPHRITIMO – 2014

Olivier de Schutter et Raquel Rolnik (Rapporteurs spéciaux des Nations Unies en 2013) explicitent ainsi la situation, la reliant à la problématique de financiarisation du logement.

(…) Les principaux mécanismes d’attribution de solutions de logement sont désormais le secteur financier et le marché immobilier privé, associés à des subventions aux ménages pour l’accès au crédit. L’aide étrangère apportées par les organisations internationales a largement influé sur le développement d’un marché financier du logement et a stimulé l’activité sur le marché du logement dans les pays en développement. Même s’il y a une certaine diversité dans les politiques mises en oeuvre, la plupart des pays ont choisi de soutenir les marchés du logement et d’encourager l’accès à la propriété individuelle du logement, avec la privatisation des programmes de logements sociaux et la dérèglementation des marchés financiers liés au logement. les pays qui avaient auparavant des économies planifiées en constituent une illustration parfaite, puisque dans les années 1990, ils ont procédé à la privatisation massive des logements sociaux, entraînant des changements radicaux dans la structure de l’occupation. Aujourd’hui, dans certains de ces pays, les logements occupés par leurs propriétaires représentent plus de 90% du parc de logement.

Voir à ce propos quelques fiches-pays : Roumanie (96%) – Lituanie (92%) – Slovaquie (91%) – Hongrie (90%) – Croatie (88%) – Bulgarie (86%) – Pologne (84%) pour une moyenne européenne de 70% en 2017.

Dans les pays en développement, les gouvernements ont été incités à mettre en oeuvre des programmes d’accès individuel aux titres de propriété, non seulement pour mieux garantir la sécurité d’occupation, mais aussi pour encourager l’accès au crédit formel et réduire la pauvreté. Le présupposé était la sécurité d’occupation – c’est-à-dire le fait d’avoir des titres de propriétés – allait entraîner une hausse des investissements dans le logement. L’idée d’un lien direct entre la propriété du logement et la prospérité occidentale, ainsi qu’en creux leur absence dans les pays en développement, a aussi joué un rôle de premier plan. Par conséquent, les taux d’accès à la propriété du logement au niveau mondial progressent globalement depuis 1950.

Voir à ce propos quelques fiches-pays : PérouBolivieRépublique dominicaineCamerounSénégal

Les impulsions de la Banque mondiale ont particulièrement visé ce développement de l’accès à la propriété depuis quelques décennies. Les résultats de ces politiques sont aussi le phénomène de financiarisation du logement.

Immigrés et étrangers

Cet article ne fera pas le tour de la question, mais il est important de souligner que la question de l’accès à la propriété pour les étrangers et les immigrés se pose de plus en plus partout dans le monde. On relève deux centres d’intérêt dans la littérature :
  • Soit l’existence de discriminations en matière d’accès au logement pour les personnes d’origine immigrée et quels sont leurs droits pour un accès à la propriété. Plusieurs pays montrent aussi que les personnes immigrées deviennent rapidement propriétaires là où elles s’installent quand cela leur est possible.
  • Soit la mise en place de règlementations nationales pour limiter l’accès à la propriété des étrangers dans un souci de préserver la propriété immobilière et foncière aux mains des nationaux. C’est entre autres le cas de la République du Bénin qui a un code foncier et domanial qui limite l’accès à la propriété pour les étrangers.