TOUR DU MONDE DE L’HABITAT VU PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE

Tunisie

#Mots-clés : Dernière mise à jour le 11 septembre 2019

Urbanisation

TUNISIEHistoire des Villes – Patrimoine

Pays anciennement urbanisé, la Tunisie dont le taux d’urbanisation était de 28% en 1925, atteint aujourd’hui 64,8%, selon le recensement de 2004. Avec une population d’un peu moins de 10 millions d’habitants en 2004, et une capitale de 2.250.000 habitants, la Tunisie a connu au cours des quarante dernières années de multiples transformations. Au-delà des aspects quantitatifs, des transformations importantes ont caractérisé l’évolution de l’urbanisation. Ces transformations bien que peu perceptibles au niveau de l’armature urbaine, se sont manifestées au niveau de l’organisation spatiale des villes, ainsi qu’au niveau de leurs contenus socio-économiques et des pratiques sociales de leurs habitants.

Les villes tunisiennes concentrent la partie la plus pauvre de sa population en périphérie. Les grandes politiques du logement n’ont pas réellement tenues compte du problème grandissant que rencontraient cette partie de la population. L’expansion des villes, causée notamment par l’exode de la population pauvre en périphérie, reflète les problèmes encourus par le gouvernement tunisien.

Depuis l’indépendance de 1956, la population de la ville de Tunis a été multipliée par cinq et son territoire par six. La politique de logement des classes moyennes initiée depuis le milieu des années 1970 a ignoré les populations les plus pauvres qui se trouvent reléguées dans des quartiers informels en périphérie.” (1)

Habitat Urbain

L’urbaniste Morched Chabbi voit 3 grandes caractéristique du système l’habitat urbain tunisien :

  • La primatie de la capitale ;
  • La concentration littorale des villes ;
  • La prédominance des petites et moyennes villes.

– La primatie de la capitale

Après une forte augmentation de la population entre 1900 et 2004 entraînant un phénomène d’étalement urbain (120.000 habitants en 1900, agglomération de 2.250.000 habitants en 2004), Tunis commence à avoir une démographie qui tend à se stabiliser. Cette ”modération de la croissance” est notamment due à la politique gouvernemental de diminution des naissances qui a été mise en oeuvre début 1965 à fin de réguler la poussée démographique que connaissait la Tunisie. Un autre facteur important est le nette recul de l’exode rural :

Outre la forte baisse de la natalité, la modération de la croissance urbaine est aussi imputable au recul de l’exode rural lié notamment à une meilleure répartition des équipements scolaires et des emplois à l’échelle régionale, ainsi qu’à une stabilisation de la population, du fait de la politique de large diffusion de la propriété d’occupation du logement, engagée à partir de 1975. En dépit de sa croissance modérée, Tunis n’en demeure pas moins une ville primatiale car elle abrite 22,7% de la population du pays et représente un peu moins de 5 fois la population de Sfax, 2ème ville de Tunisie, qui ne compte que 460.000 habitants. Ce caractère primatial de Tunis est lié historiquement à sa fonction de plaque tournante des échanges économiques et à la concentration des investissements, responsables de la polarisation de l’espace national et de l’attractivité des flux migratoires par la capitale. Cette primautè de la capitale traduit également la concentration des pouvoirs de décision et la centralisation du système politico-administratif tunisien.” (1)

– La concentration littorale des villes tunisiennes

En 1994, 68% de la population tunisienne résidaient dans les régions littorales du pays. Parmi les 262 communes tunisiennes, 140 sont localisées dans les régions littorales et 122 dans les régions intérieures. 75% de la population communale totale résident dans les régions littorales, zone de concentration des communes de grande et moyenne taille.” (1)

Sur les 262 communes, 84 représentent de grandes et moyennes communes et qui regroupent 78% de la population communale. Les petites communes, dont la population est inférieure à 20.000 habitants, sont au nombre de 178 et abritent 22% de la population communale.” (1)

– La prédominance des communes de taille moyenne

Les communes tunisiennes dont la taille varie de 20.000 à moins de 100.000 habitants sont au nombre de 74 et regroupent 46% de la population communale. Bien que les petites communes (< 20.000 habitants) soient au nombre de 178, elles ne regroupent que 22% de la population communale et représentent, en grande majorité, des localités rurales. Ces caractéri== Histoire des Villes – le Patrimoine ==stiques quantitatives montrent, à l’instar d’autres systèmes urbains des pays du Sud, la prédominance de la ville capitale et la concentration littorale des grandes et moyennes villes. ” (1)

Habitat Rural

Aspects légaux

Droit au Logement

Une nouvelle Constitution a été approuvée par l’Assemblée Nationale Constitutionnelle le 26 janvier 2014. Le droit au logement n’y est pas inscrit.
Art.13 : «Les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien. L’État exerce sa souveraineté sur ces ressources au nom du peuple. Les contrats d’exploitation relatifs à ces ressources sont soumis à la Commission spécialisée au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Les conventions conclues au sujet de ces ressources sont soumises à l’Assemblée pour approbation.»
Art.24 : «L’État protège la vie privée, l’inviolabilité du domicile, la confidentialité des correspondances, des communications et des données personnelles. Tout citoyen a le droit de choisir son lieu de résidence et de circuler librement à l’intérieur du pays ainsi que le droit de le quitter.»
Art.41 : «Le droit de propriété est garanti et il ne peut lui être porté atteinte sauf dans les cas et avec les garanties prévues par la loi.»
Site sur les législations en Tunisie : Jurisite Tunisie
Les Assises pour le droit au logement (2013) ont promu 13 Récommandations, dont celle-là qui demande l’insertion du Droit au logement dans la Constitution a été votée, en janvier 2014, par 90 deputés de l’Assemblée constituante, 59 contre et 29 abstenu.

Expulsions Forcées

Vidéo sur les évictions à Dej Dej à Tunis : https://www.youtube.com/watch?v=2zJFFUE1yUU

Que peuvent faire les mouvements sociaux face aux évictions ?

De fortes mobilisations, une forte médiatisation et un plaidoyer auprès de l’Etat.

Depuis 2013 : Collectif pour le Droit au Logement Décent en Tunisie: Premières Assises pour le Droit au logement lors des Journées Mondiales Zéro Expulsions – pour le Droit à Habiter. Objectif, faire du logement une priorité nationale grâce à la voix des habitants et d’autres sujets concernés.

Des réunions préparatoires dans les régions et enfin les Premières Assises pour le Droit au Logement Décent en Tunisie, du 24 au 27 octobre 2013 dans le cadre des Journées Mondiales Zéro Expulsions. Sujets abordés: précarité, dette, accaparement des terres, chômage, ……

OUTILS UTILES

  • Base de données sur les violations des Droits au Logement et à la Terre dans chaque pays (réseau Housing and Land Rights) : accès à la base de données
  • Campagne Zéro Expulsions (réseau Alliance Internationale des Habitants) : Page Web

Droit Foncier

En Tunisie, il existe deux titres de propriété :

  • Le TITRE BLEU = appellation ancienne pour un TITRE FONCIER. C’est un titre de propriété qui est conservé et dont les inscriptions sont gérées par l’administration publique de la Conservation de la Propriété foncière. L’article 305 du Code des Droits réels signale que le titulaire d’un titre foncier ne pourra être opposé par aucune autre possession. Pour obtenir un titre foncier, il faut déposer une demande de réquisition auprès du Tribunal territorial compétent.
  • Le TITRE ARABE = acte notarié rédigé en un seul exemplaire. Le détenteur d’un titre arabe risque de perdre son droit de propriété par voie de prise de possession s’il ne peut prouver qu’il usait de son bien pendant 15 années successives et sans contestation.

Selon l’article paru dans la Revue Etudes Foncières (2), 2012.

Durant les années ’70, les centres villes tunisiens se sont dépeuplés au profit des périphéries. C’est dans ce contexte, qu’en 1973, l’Etat tunisien va créer L’AGENCE FONCIERE DE L’HABITAT qui a pour mission de “favoriser l’accès au logement à toutes les catégories de la population et particulièrement aux ménages à faibles et moyens revenus”. L’agence connaît peu de difficultés d’acquisition jusque dans les années 1990, moment où le droit d’expropriation va devenir difficile à mettre en oeuvre au vu des dérives passées. C’est ainsi que l’aménagement public, par le biais de l’AFH est passée en termes de production foncière, de 33% en 1980 à 14% en 2004.

Les terrains vont ainsi être aménagés au coup par coup, sans que le droit du sol soit toujours respecté. Les plans d’urbanisme se limitent aux zones déjà bâties. Les aménageurs privés arrivent difficilement à obtenir un terrain en zone d’extension ; le secteur public utile pour lui-même des procédures d’exception (Périmètres d’Intervention Foncière – PIF).

Il existe donc en Tunisie, trois modes de productions à partir des années ’70 : la filière publique – la filière privée légale – la filière clandestine. Cette dernière filière se caractérise par le morcellement sans viabilisation des terrains, par leurs propriétaires agricoles qui revendent leurs parcelles aux populations modestes.

Selon les auteurs, la Révolution devrait ouvrir des perspectives dans la mesure où elle remet en cause le modèle établi et la légitimité de la puissance publique pour ce qui est des aménagements fonciers.

Aménagement Foncier et Protection des Terres Agricoles : http://www.jurisitetunisie.com/tunisie/index/sicad_sources/11ministredelagricultureetdesressourceshydrauliques_amnagementfoncieretprotectiondesterresagricoles.html

Accaparement de Terres

Les causes de ces accaparements en Tunisie, selon le Collectif pour le Droit au Logement Décent (5)

  • Une corruption étroitement liée aux institutions administratives et économiques.
  • Des ententes foncières frauduleuses.
  • Reclassification des terres agricoles ou en jachère en les déclarant constructibles, et/ou modifié la classification d’un type de terrain construit, multipliant ainsi plusieurs fois la valeur économique des terres détenues par au profit de certaines personnes, en général au pouvoir comme du temps de Ben Ali et aussi du temps de la Troika.
  • Le Bureau des biens fonciers a participé à la falsification de titres fonciers relatifs à des terrains non constructibles, ainsi qu’à la privatisation à moindre coût de terrains appartenant à l’État, parfois pour un dinar symbolique
  • Annulation arbitraire de contrats permanents entre l’État et les paysans locaux qui cultivaient la terre depuis de nombreuses années. En les privant de l’accès à la terre, les autorités ont explicitement enfreint le droit à une alimentation adéquate et à la subsistance de ces personnes. la plupart de la production et de la distribution des denrées de base sont soumises à des clans au pouvoir à travers l’accaparement des terres, le phénomène a commencé du temps du clan Ben Ali et Trabelsi et a empiré depuis 4 ans sous le gouvernement de la Troika et se poursuit jusqu’à aujourd’hui.
  • L’importation de certaines denrées tels que certaines céréales et certains fruits sous le contrôle du pouvoir en place, conduisirent de nombreuses entreprises agricoles tunisiennes indépendantes à la faillite.

Que peuvent faire les mouvements sociaux ?

Selon le Collectif pour le Droit au Logement Décent (5) :

Depuis 2013 : Ma Galoulnech un collectif contre l’intervention des organismes internationaux tels que le FMI, la banque mondiale, ect. dans les affaires de la Tunisie, avec en prime plus d’endettement et d’accaparement des terres.

Contre Les accords de Deauville, la lettre d’intention, le rapport de l’FMI, le nouveau code de l’investissement, les déclarations du gouvernement actuel et une multitudes d’autres indices montrent clairement que notre pays se dirige vers une stratégie économique et financière néolibérale qui détruira la classe moyenne, supprimera l’intervention de l’état dans la régulation des marchés et anéantira notre souveraineté.

Objectif : combattre cette vision, stopper ce processus en cours et pousser vers l’émergence d’un dialogue permettant de trouver des alternatives viables et qui prend en compte la situation économique et sociale de la Tunisie.

  • accaparement des terres agricoles transformées en terrains à bâtir,
  • accaparement des terres pour l’exploitation du gaz de schiste,

Le secteur agricole privé veut dominer revendiquant même la dissolution de l’office nationale de l’huile. Le Nouveau code d’investissement, vers une recolonisation agricole, lien :

http://economie-tunisie.org/fr/observatoire/visualeconomics/terres-agricoles-code-investissements

Violence faite aux femmes

Témoignage : «L’incertitude économique, la détérioration du pouvoir d’achat des ménages, le chômage, et le gel des salaires ont accéléré et augmenté les mouvements de protestations, de grèves dans tout le pays pendant les 4 ans des gouvernements qui se sont succédés, (…) La pauvreté et la précarité des ménages ont atteint un seuil tel, que certains ménages ont perdu leurs maisons pour manque de paiement de leurs factures et des prêts bancaires, des usines ont fermé dû à la croissance des impôts imposés. Le taux de chômage a atteint les 30% au fil des années, les femmes représentant les 2/3. La violence contre les femmes s’est accrue prenant des formes inhabituelles, tel que l’excision des petites filles, les cas de viols et de violences verbales, physiques et psychiques, (…) Un déséquilibre tel que la société Tunisienne s’est vue forcée à multiplier et à renforcer les mouvements de protestations, de manifestations, de dénonciations dans la rue, partout du nord au sud et de l’est à l’ouest, devant les abus, les attaques et les campagnes de diabolisation faites par les milices du parti islamiste Ennahdha contre les intellectuels-es, artistes, journalistes, professeurs – oresse, avocats-es, acteur-rices, comédien-nes, activistes et militants-es de la société civile, étudiant-es, détruisant des galeries d’art, attaquant des librairies et interdisant la vente de certains livres considérés interdits par la loi coranique (…)» (Soha Ben Slama – AIH) (4)

Pratiques intéressantes

Aspects sociaux et économiques

Marché du Logement

PRIX DU LOGEMENT

La constitution d’une typologie des prix des logements s’avère un exercice extrêmement difficile dans un contexte de manque d’informations organisées sur le marché immobilier. Les structures professionnelles ne disposent pas d’un observatoire des prix et aucun baromètre officiel n’existe. 5 fois le revenu annuel du ménage va à l’acquisition du logement. (5)

Un ménage tunisien dispose d’un revenu annuel de l’ordre de 13 500 TND. Dans les régions du Grand Tunis et du Centre-Est, le revenu moyen du ménage représente environ le double de celui du ménage résidant à l’Ouest du pays et le revenu de la catégorie la plus pauvre représente 15% de celui de la catégorie la plus riche. (5)

RAPPORT PROPRIETAIRES-LOCATAIRES

Pourcentage des familles tunisiennes propriétaires de leurs logements est estimé à 79,2 %, alors que le nombre des locataires est évalué à 373,5 mille personnes. Le tunisien consacre, en moyenne, près de 23% de ses dépenses à l’habitation. (5)

SECTEUR DE LA CONSTRUCTION

Le volume de la production annuelle en logement (INS 2014) atteint 79.000 logements. Compte tenu du poids des logements vacants estimé en 2004 à 14% du parc existant, et si l’on se situe par rapport à une hypothèse tendancielle, les besoins annuels sont estimés à près de 67.800 logements. Toutefois, le logement informel peut se situer entre 12 et 46% du parc des logements et ceci selon les périodes, les régions et les milieux communaux et non communaux. (5)

Qualité du Logement

Les typologies héritées de logement rudimentaire composé de gourbis et de taudis ont disparu en faveur du logement traditionnel et moderne plus adapté aux besoins des catégories qui y résident. La répartition des logements par type montre que le houch et dar arbi (maison arabe) représente 41%. Le logement individuel groupé caractéristique des quartiers informels, occupe 34,5% du parc. Cependant, les villas en tant que forme d’habitation moderne, représentent 16% contre seulement 3% pour les extensions horizontales composées de studios. 12,5% des enquêtés se partagent le logement avec plus de deux ménages, confirmant la permanence de cohabitation autour de liens parentaux et/ou matrimoniaux. Dans les logements informels, l’accès aux réseaux d’eau potable et d’électricité est souvent assuré. En effet le taux de branchement à l’eau potable est de 96,4%. Ce taux est de 97,3% pour l’électricité. Cependant, le branchement au réseau d’assainissement reste faible puisque seulement 69,2% des logements bénéficient de ce service.(5)

Les quartiers informels sont caractérisés par une faible densité (ARRU 2014). Sur la base de 628 quartiers et près de 465.000 logements, les densités moyennes dans les quartiers informels sont de l’ordre de 21 logements à l’hectare. Les quartiers les plus denses sont situés dans les régions du Nord-Est et du Grand Tunis. Les principaux pics sont enregistrés dans les gouvernorats de Nabeul (Barnousa à Dar Chaabèbne Fehri, Ettaamir à Menzel Temime, Ennajah et Essalama à Haouaria), Ben Arous (El Bassatine à Boumhal) et La Manouba (Edkhili, Chouigui à Tebourba). Dans la région du Centre-Est, la densité atteint à la Mahdia 76 log/ha et 48 log/ha à Tozeur. Les plus faibles densités sont celles des quartiers informels situés à Gabès, Monastir et Sfax. (5)

Habitat informel / Bidonville / Sans-abri

HABITAT SPONTANE PERIURBAIN

Dans les années ’70, à côté des nouvelles politiques publiques mise en place pour accroître le logement, va se développer l’habitat spontanée périurbain (Chabbi 2005). A l’origine développées sur des terrains domaniaux – ce n’est plus vrai aujourd’hui pour l’essentiel – ces constructions se développent de façon illégale, sans droits à construire. Et surtout, ces lotissements ne reçoivent qu’a posteriori des infrastructures de base grâce à une agence gouvernementale dédiée, l’Agence de Réhabilitation et de Rénovation Urbaine (ARRU) et les concessionnaires de réseaux. Ce type de développement représentait 30 % environ de la surface urbanisée du Grand Tunis (et environ 20 et 30 % du parc de logements du pays actuellement) au début des années 2004. Si son développement semble ralentir, il continue à alimenter un étalement urbain non négligeable, comme en témoigne le cas de la capitale. (2)

SQUATTERS

Certaines familles tunisiennes, suite aux problèmes de logement, ont commencé à squatter des logements appartenant à la Société Nationale Immobilière de Tunisie. Cette dernière intente des actions afin de récupérer ces logements. Source : site Info Turess

 

SANS-ABRI

La situation des sans-abri ne semble pas s’améliorer. Lors du Forum Social de Tunis en 2013, un atelier a été consacré à cette problématique : Website Alliance des Habitants

La situation des femmes sans-abri est préoccupante : Les organisations intervenant sur le terrain s’inquiètent de l’émergence du phénomène de femmes sans domicile fixe. « Après la révolution de janvier 2010 , les tunisiens ont découvert dans la stupéfaction des « femmes dormant dans la rue ».Cette situation résulte de la destruction de Zawiya qui constituait des structures d’hébergement. Deux études réalisées en 2012 au sein des femmes dans le grand Tunis ont révélé des situations effarantes, fait remarquer Mme Sana Ben Achour, présidente de Beity pour les femmes sans domicile. Elle laisse entendre que l’’oppression de genre et de couleur alimente la pauvreté des femmes.

L’étude réalisée par l’ONG Beyti au sein des quatre préfectures du grand Tunis sur les « figures de femmes sans abri » ont démontré la vulnérabilité de celles-ci contraintes qu’elles sont d’élire domicile au sein des jardins publics, sur des cages d’escaliers, les terrasses ou devant les devantures des grands immeubles.

Source : Flamme d’Afrique, sans domicile fixe de Tunis : indifférence manifeste, 2013.

REFUGIES – DEPLACES

Suite au soulèvement du printemps arabe, des déplacements importants de population vers des camps de fortune ont été observés. Des milliers de Tunisiens ont fui vers l’Italie, dormant sans-abri et sans sanitaires à leur disposition. Mais des milliers de personnes ont aussi fui d’autres pays – comme la Libye – pour venir se réfugier dans le désert tunisien sous des tentes de fortune, dans des camps.

Source : Amnesty International, « Une année de rébellion – La situation des droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord », Rapport MENA, 2012

Rôle des pouvoirs publics

Opérateurs publics

Durant les années ’70, les centres villes tunisiens se sont dépeuplés au profit des périphéries. C’est dans ce contexte, qu’en 1973, l’Etat tunisien va créer

  • LA SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE DE TUNISIE – SNIT
  • LA SOCIETE DE PRODUCTION DES LOGEMENTS SOCIAUX – SPROLS
  • LA CAISSE NATIONALE D’EPARGNE-LOGEMENT

Cette politique a permis la production de logements pour les populations solvables, c’est-à-dire les classes moyennes. (2)

« POUR UNE NOUVELLE STRATEGIE DE L’HABITAT » (2014) – Dossier réalisé par Néjib BELAID (Professeur de Droit) sur les questions de logement et le rôle de l’Etat : http://www.mehat.gov.tn/fileadmin/user1/doc/Contenus/FR/LogementLocatifEtLogementProduitParLaPromotionPriveeAspectsJuridiquesEtFiscauxNBelaidOct2014.pdf

Rôle des quatre opérateurs publics : La SNIT a réalisé avec ses filiales, depuis sa création jusqu’à fin 2012, environ 263 mille (262788) logements.  (5)

La Privatisation, la spéculation foncière, politique autorisée par l’Etat et même encouragée fait que la classe moyenne jadis majoritaire, s’est peu à peu vue intégrer les rangs de la classe pauvre. Le Chômage, les usines fermées, le tourisme en crise, l’endettement des ménages par les propositions alléchantes des banques. L’analyse des profils économiques des ménages montre que 300.000 ménages tunisiens sont pauvres représentant 12,3% des ménages. La prévalence de la pauvreté en milieu rural est le double de ce qu’elle est en milieu urbain (18,5% contre 9,3%). La pauvreté est notamment observée dans l’Ouest du pays : la proportion des ménages pauvres dépasse 21% au Nord-Ouest et atteint 27% au Centre-Ouest. (5)

Logement Social

Après le tourisme et la finance, les grands argentiers du Golfe se concentrent sur l’immobilier tunisien. Un grand programme de construction de logements “sociaux” est en cours. En 2012, on estime que le parc de logements sociaux est de 2,8 millions de logement, ce qui reste encore insuffisant vu les besoins de la population. Source : Frida Dahmani, Jeune Afrique, 2012.

La SPROLS, elle a réalisé, entre août 1977 et mars 1989, environ dix mille (9 985) logements sociaux locatifs, financés par les caisses de sécurité sociale et géré, les programmes de logement qui lui sont confiés par la CNSS. Depuis mars 1989 à nos jours, la SPROLS a cessé de construire les logements sociaux locatifs. Entre 2008 et 2013, la société a produit en moyenne annuelle 154 logements et aucun logement social. (5)

Bibliographie & Sitographie

  1. Morched Chabbi – Président de l’Association tunisienne des urbanistes – L’urbanisation en Tunisie, transformations et tendances d’évolution, 2005.
  2. Article “Faire de la Révolution une opportunité – Production foncière en Tunisie”, Sara Boughedir et Yann Gérard de l’ADEF in Etudes Foncières, 2012
  3. Rafik MISSAOUI – programme PROSOL
  4. Soha Ben Slama, coordinatrice de l’AIH pour la Tunisie, « Ta Tunisie vers la deuxième république » – http://fre.habitants.org/la_voie_urbaine/assemblee_mondiale_des_habitants_2015/la_tunisie_vers_la_deuxieme_republique
  5. Collectif pour le Droit au Logement Décent – https://www.facebook.com/PourLeDroitAuLogementDecentEnTunisie/?ref=hl

MOUVEMENTS SOCIAUX

Problèmes majeurs

Selon le Collectif pour le Droit au Logement Décent,

  • La hausse considérable du coût des matériaux de construction (entre 15% et 20% sur une période de 3 ans). depuis 2012. L’accès au crédit varie sensiblement selon les régions : de 1,7% au Sud-est à 6,4% au Centre-est et augmente avec l’amélioration des conditions des revenus : le taux d’accès est de 0,5% pour le décile le plus pauvre et de 9,6% pour le décile le plus riche.
  • Les quartiers informels sont occupés par des classes populaires et des catégories socioprofessionnelles à faible niveau de revenu. Le revenu global mensuel moyen des ménages atteint 486 DT, ce qui correspond à environ une fois et demie le SMIG. La répartition des enquêtés par classe de revenu montre que 34% d’entre ceux qui ont répondu à la question sont rémunérés à 300 DT au plus et 72% à 600 DT au plus. Les catégories ayant des revenus supérieurs à trois fois le SMIG représentent moins de 7%.
  • les sans abri, inclus femmes et enfants …
  • les étudiants mal logés et exploités par les proprietaire immobiliers …
  • la hausse des loyers, sans aucun contrôle, parfois droguée par la preference des proprietaires à louers à des riches étrangers (lybiens, etc.) …
  • les conditions d’abandon des médina, qui provoque l’expulsions des anciens habitants, parfois recuperées par des investisseurs ….

Recommandations et Propositions

 

Suite aux Premières Assises du Droit au Logement Décent (Tunis 2013), les participants de la société civile ont émis les recommandations suivantes – (Collectif pour le Droit au Logement Décent),

  1. La constitutionnalisation du Droit au Logement décent et digne, ainsi que sa justiciabilité, conformément aux obligations légales qu’a pris l’Etat tunisien avec la ratification des conventions internationales, notamment le PIDESC.
  2. Que l’État garantisse sans aucune réserve le droit d’accès à l’information, surtout celle économique et sociale, à tous les habitant-e-s et aux acteur-ice-s concernés de la société civile.
    La création d’observatoires régionaux et locaux devraient utiliser ces informations, entre autre, pour:
    o identifier et faire le diagnostic: des quartiers populaires précaires et marginalisés dans le secteur urbain et rural; du nombre réel des sans abri et des expulsés et de leur condition de vie; des logements privés et publiques laissés vacants depuis longtemps ainsi que des spéculations et des fraudes immobilières.
    o alerter les cas de violations du Droit au Logement décent, notamment des expulsions, afin de se solidariser, poursuivre en justice les responsables et indiquer des solutions adéquates et conformes au PIDESC.
  3. L’approbation et la mise en oeuvre d’une loi pour garantir la fonction sociale de la propriété et rendre abordables les prix (location, achat), à travers le contrôle public et citoyen du marché immobilier, mettant ainsi fin à l’injustice que vivent les personnes mal logées, précaires ou sans abri alor sque des logements vacants existent.
  4. La décentralisation des pouvoirs au niveau local et régional pour favoriser la gouvernance et la participation des tous les acteur-ice-s concernés, notamment les habitant-e-s, les organisations de la société civile et les experts.
  5. L’approbation et la mise en oeuvre d’une loi qui relance la remise en vigueur d’un vrai service public du logement social, à la fois, subventionné par l’état et géré par les collectivités locales et/ou en partenariat avec un système de coopératives d’habitant-e-s, issues de l’économie sociale et solidaire, qui soient idéatrices, propriétaires et gestionnaires de logements abordables garantissant la sécurité de l’occupation en location et l’égalité des chances pour tous.
  6. L’approbation et la mise en oeuvre d’une loi qui sécurise l’usage des logements et des sols, favorisant la réhabilitation participatives des médinas et des quartiers populaires délabrés, dans le respect des droits humains et environnementaux, empêchant toute expulsion, et toute spéculation.
  7. La mise en oeuvre des lois pénales qui criminalisent la fraude et qui poursuivent et punissent sévèrement ceux qui les commettent.
  8. L’audit sur la dette due aux accords conclus après le 14 janvier 2011, notamment ceux qui sont incompatibles avec le principe de la justice sociale, alourdissant la caisse de l’Etat et, par conséquent, appauvrissant les contribuables contraints à payer.
  9. Que l’Etat repère les ressources nécessaires pour subvenir au déficit du logement, priorisant, dans la Loi de finance et dans l’octroi de financements aux collectivités locales des régions, pour la subvention de politiques du logement fondées sur le respect des droits humains, notamment via l’annulation de la dette externe (voire exemple du Kenya-Italie).
  10. Mobiliser les acteur-ice-s concernés, notamment les habitant-e-s et les autorités locales, pour rendre habitables dans l’urgence les immeubles et les habitations vacants depuis longtemps, utilisant le cadre légal et ses failles.
  11. L’approbation et la mise en oeuvre de lois adéquates qui engagent l’État à ouvrir des centres de logement et d’intégration pour accueillir les enfants, les femmes et les hommes sans abris, les personnes âgées et les personnes aux besoins spécifiques, ainsi qu’à l’aménagement et le réaménagement des bâtiments publics, tels que les cités universitaires et les maisons de retraite, dans le respect de toutes les spécifications légales énoncées par les traités internationaux.
  12. L’approbation et la mise en oeuvre d’une loi qui engage l’Etat à fournir à tous les étudiants et les étudiantes, tout au long des années d’études universitaires, une subvention logement ou un logement décent alliant modernité, fonctionnalité et accessibilité des loyers, des conditions optimales dans le but de favoriser leur réussite universitaire.
  13. Renforcer et développer la plateforme maghrébine et internationale qui a été constituée le 29 mars 2013 à l’issue de l’Assemblée Mondiale des Habitants (FSM Tunis 2013), créant ainsi le groupe promoteur de l’Alliance Maghrébine des Habitants entre l’Alliance Internationale des Habitants et les organisations sociales de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc. Cette plateforme a le but de favoriser les échanges d’expériences et des stratégies pour bâtir une force solidaire avec les luttes pour le Droit au Logement digne et décent des tous les habitant-e-s, notamment des migrants, ainsi que d’incidence politique globale-locale, notamment au niveau de la Région du Maghreb Arabe et du bassin Méditerranéen.

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