TOUR DU MONDE DE L’HABITAT VU PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE

Égypte

#Mots-clés : Dernière mise à jour le 9 juin 2019

URBANISATION

CARTE EGYPTHISTOIRE DES VILLES – PATRIMOINE

HABITAT URBAIN

Selon le SITE DE MENA-POLIS (1) …

Après avoir connu un taux d’urbanisation assez stable durant environ 50 ans (de 1960 à 2006), aux alentours de 43%, le pays a connu une augmentation fulgurante de ce taux qui est passé à 82% en 2010 ! Mais il faut dire que, durant cette même période (un demi siècle), la population égyptienne a triplé. Le peuplement s’est réalisé essentiellement dans la vallée du Nil et du Delta. Cependant, ce taux d’urbanisation est comparable à d’autres pays voisins, comme la Jordanie, le Liban ou la Libye.

L’Egypte présente une géologie particulière, le pays étant en majeure partie désertique. Ceci a entraîné des phénomènes d’étalement urbain, avec des agglomérations très serrées entre elles (en moyenne 5 km entre les agglomérations en 2010).

Cette situation a entraîné les phénomènes suivants :

  • L’émergence continue de nouvelles agglomérations
  • De nouveaux ensembles urbains : les diverses localités s’étendent et vont peu à peu fusionner avec les villes qui leur sont proches.
  • Un phénomène d’étalement urbain qui donne lieu à des formes de villes “diffuses”, notamment via la création de gros bourgs ainsi que de nouveaux habitats le long des axes routiers.

Selon les auteurs de l’étude, les projections à moyen terme mettent en évidence les points suivants.

  • L’étalement urbain, s’il est suivi de phénomènes de décentralisation, va poser des questions en matière de gestion urbains, de bonne gouvernance des territoires.
  • La reprise de croissance dans les grandes villes. Suite à la création de bourgs nouveaux, la densification des centres urbains a connu un arrêt. Mais la croissance démographique va entraîner une nouvelle croissance urbaine.
  • Un bouleversement du réseau urbain. La croissance démographique y compris dans les villes de moindres importances et le processus d’étalement urbain peuvent, à terme, faire changer l’organisation égyptienne entre grandes villes et villes secondaires.

HABITAT RURAL

Aspects légaux

DROIT AU LOGEMENT

La Constitution égyptienne de 2014 énonce le droit des résidents à un logement adéquat, sûr et salubre, d’une manière qui préserve la dignité humaine et réalise la justice sociale (article 78). L’article oblige également le gouvernement à élaborer un plan stratégique de logement, à réglementer les terres domaniales et à s’occuper des établissements informels et des zones non planifiées. Aucune affaire n’a encore été portée devant la Haute Cour constitutionnelle en vertu de l’article 78.

Le gouvernement a reconnu que la plupart des lois régissant le logement sont antérieures à la Constitution de 2014 et n’ont pas encore été révisées ou amendées pour assurer leur conformité avec la nouvelle Constitution, bien que ce processus soit envisagé.

L’Égypte a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui est incorporé au droit interne et jouit donc dans son ordre constitutionnel d’un statut supérieur à celui des lois et règlements nationaux. Le pays n’a pas encore ratifié de mécanisme international de plainte en vertu des traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme, ce qui limite la capacité de ses résidents de soumettre des plaintes individuelles aux organes conventionnels internationaux des droits de l’homme.

Une nouvelle loi relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée par le Parlement en février 2018. Cette loi réserve au moins 5 % des logements sociaux neufs aux personnes handicapées, bien qu’elle ne semble pas donner effet à l’article 19 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées en garantissant l’accès aux aides au logement nécessaires pour que les personnes handicapées psycho-sociales puissent vivre de manière indépendante dans leur communauté.Le gouvernement égyptien n’a pas encore adopté de plan ou de stratégie nationale en matière de logement, comme le prévoit la Constitution. En 2016, le Président égyptien a annoncé que le gouvernement national créerait 1 million d’unités de logement pour combler le déficit de logements du pays. En peu de temps, 600.000 unités ont été construites.

Source : Rapporteuse Spéciale pour le Droit au Logement – oct. 2018

EXPULSIONS FORCEES

Une des causes récentes de phénomènes d’évictions forcées, est la politique actuelle de développement des villes. Voici l’exemple du Caire en Egypte.

“Sous l’impulsion du Plan Directeur du Caire à l’horizon 2050, le gouvernement s’efforce d’embellir la ville, de créer de nouveaux espaces verts partout, et de faire du Caire une des villes les plus attrayantes sur ​​la scène mondiale. Gazirat al-Dhahab Island est un espace urbain que le gouvernement souhaite destiner à “une meilleure utilisation”. Mais cette “meilleure utilisation” a été clairement prédéfinie par le Ministère du logement et des services publics. L’option a été de vendre le terrain à un investisseur non arabe d’Egypte qui utiliserait cet espace pour construire des installations touristiques. le gouvernement justifie l’expulsion de ces familles en affirmant que l’île et ses terres appartiennent au gouvernement et que l’espace n’est pas utilisé actuellement pour “l’intérêt public”. Le Gouvernement promet également de fournir aux résidents des compensations financières adéquates. Pourtant, les habitants ont du mal à faire confiance aux promesses du gouvernement. Les nombreuses familles qui ont déjà abandonné leurs terres lors de négociations préalables n’ont jamais reçu en échange de véritables compensations.”

Ceci permet d’ouvrir le débat sur le droit à la ville, entre les divers besoins et souhaits de sa population urbaine. Lire la suite : Fiche HIC sur le site DPH

La financiarisation du logement

La marchandisation du logement est également un sujet de préoccupation plus général en Égypte. Les Égyptiens sont culturellement prédisposés à l’acquisition de biens immobiliers comme forme d’investissement. Comme l’a commenté un expert, « Le système bancaire en Egypte est l’immobilier ». Selon CAPMAS, il y a au moins 3,8 millions d’immeubles de placement secondaires. Ce phénomène ne peut qu’empirer avec les récentes intentions annoncées par le gouvernement de commercialiser l’immobilier égyptien en tant que produit d’exportation en attirant des investisseurs étrangers dans le pays. A cette fin, le gouvernement a manifesté son intérêt à initier des projets de développement de luxe dans l’ensemble du Caire. On craint que l’île d’El-Warraq ne devienne la proie de cette vision. Les résidents ont parlé de leur peur du déplacement, malgré leurs liens historiques avec la terre et, dans de nombreux cas, leur titre de propriété enregistré. Il est particulièrement alarmant d’apprendre les expulsions forcées qui ont eu lieu sur l’île le 16 juillet 2017 et qui ont entraîné la mort d’un résident, ainsi que les poursuites pénales qui ont été engagées contre un groupe de résidents qui ont refusé de vendre leurs terres au Gouvernement.

Source : Rapporteuse Spéciale pour le Droit au Logement – oct. 2018

DROIT FONCIER

La réforme agraire a commencé en 1987, plus tôt que d’autres programmes de réforme. Elle continue à avoir un impact très négatif sur les droits de l’homme et constitue une source considérable violence, de la part ou non de l’État.

En 1992, le droit foncier no. 96 de 1992 a été mis en place, permettant la libéralisation de la terre agricole. La loi détermine une période transitoire de cinq ans (qui a pris fin en 1997), après quoi les locataires ont dû retourner la terre arable aux propriétaires d’origine. Les locataires avaient loué ces terres à ces propriétés pendant quarante ans avec des loyers fixes, déterminés par la loi (sept fois la taxe – environ 100 LE par Feden/acre), et ce depuis la publication de la loi 157 de 1952. Selon la nouvelle loi no. 96 de 1992, le loyer a augmenté de 22 fois le prix (environ 600 LE). En 1997, le calcul du loyer de la terre arable a été laissé aux propriétaires, et la location d’un Feden a atteint les 2000 LE. En 2005, la valeur annuelle de location d’un Feden s’élevait à une moyenne de 3000 LE.

Le Droit foncier No. 96 de 1992 a omis les deux avantages les plus importants issus de la loi précédente No 157 de 1952, édictée sous le gouvernement de Naser, à savoir une valeur fixe de location (sept fois la taxe) et l’impossibilité d’expulser les locataires des terres qu’ils louent. Par conséquent, de nouvelles relations de location (non cash) ont émergé, tels que les paiements de produits de base à des conditions défavorables, le métayage et autres conditions qui transforment les agriculteurs en esclaves. La culture n’est plus suffisante pour satisfaire leurs besoins essentiels.

Les locataires sont expulsés de leurs lots sans recevoir aucune compensation pour leurs biens et leurs maisons. L’article No 33 de la loi 96/1992 propose de donner d’autres propriétés dans le désert aux locataires expulsés, mais en réalité, rien ne s’est passé. Par ailleurs, la loi ne tient pas compte de systèmes de compensation pour leurs maisons, les bâtiments et machines agricoles qu’ils avaient acquises au cours de la période de location. En outre, la loi viole toutes les règles constitutionnelles qui sont sensées garantir un minimum de sécurité sociale à des millions de locataires et à leurs familles. La loi néglige le bien-être public et la discrimination ainsi appliquée, viole le principe constitutionnel d’égalité.

En savoir plus : CITEGO

ACCAPAREMENT DES TERRES

L’accaparement de terres est à analyser sous l’angle d’une corruption généralisée durant plusieurs décennies. HIC-HLRN propose une analyse contemporaine de la situation en lien avec le printemps arabe. Pour en savoir plus : Document HIC-HLRN

PRATIQUES INTERESSANTES

Aspects sociaux et économiques

MARCHE DU LOGEMENT

L’Egypte est confrontée à une inadéquation entre l’offre et la demande de logements. Les populations à faibles revenus sont confrontés à une pénurie d’offre de logements formels, tandis que l’offre destinée aux populations plus aisées dépasse la demande. Ceci explique la coexistence d’une forte demande de logements et d’une importante quantité de logements “de luxe” vides. (3)

QUALITE DES LOGEMENTS

HABITAT INFORMEL / BIDONVILLE / SANS-ABRI

Établissements informels

Environ 38 millions de personnes vivent dans des établissements informels en Égypte. Il s’agit des zones où les résidents ont établi des ménages sur des terrains sans titre légal officiel sur le terrain sur lequel ils vivent et dont les maisons ne sont pas nécessairement conformes aux plans d’urbanisme et aux normes de construction. L’Égypte reconnaît l’obligation qui lui incombe en vertu des directives sur les établissements spontanés d’améliorer les établissements spontanés et a commencé à le faire, en donnant la priorité aux zones dangereuses ou jugées dangereuses, par exemple les zones sujettes aux inondations, les communautés établies à proximité des voies ferrées ou les zones soumises à des formations géologiques meubles. Ils se sont engagés à éliminer les « zones dangereuses » d’ici 2019, à développer les zones non planifiées à moyen terme et à arrêter l’expansion et l’émergence de nouveaux établissements informels à long terme.

En 2009, un total de 461 zones ont été classées comme zones non planifiées, dont 44 ont été classées comme zones mettant la vie en danger, 317 comme zones d’abris inadaptées, 75 comme zones à risque sanitaire et 25 comme zones à risque foncier. En ce qui concerne les endroits classés comme des zones dangereuses pour la vie, comme la collectivité de Dweiqah, la politique du gouvernement consiste soit à réinstaller les résidents, soit à leur offrir une indemnisation pour qu’ils puissent trouver d’autres options de logement.

Source : Rapporteuse Spéciale pour le Droit au Logement – oct. 2018

ROLE DES POUVOIRS PUBLICS

Parmi les actions mises en place par le Gouvernement durant ces dernières années, il y a (3) :

Le logement social a durant des décennies reposé sur le secteur public qui n’a jamais pu répondre à la demande.

Un programme d’accès à la propriété privée pour les ménages à faibles revenus avait été mis par le Gouvernement en 2005 (= National Housing Program). L’idée était que les promoteurs devraient être à la fois publics et privés.

Un prêt au logement est octroyé aux ménages à bas revenus, à hauteur de 15% de la valeur du bien immobilier et avec un plafond par logement.

Les villes nouvelles ont un rôle important à jouer dans la politique de logement à caractère social : construction de logements sociaux dans ces villes – appui à l’auto-construction à faible coût – mise à disposition de terrains publics pour des investisseurs privés chargés de réaliser 35% du parc de logements sociaux.

Aspects écologiques

Bibliographie & Sitographie

  1. Fiche de l’Egypte sur le site e-Geopolis (Menapolis)
  2. Perspectives économiques en Afrique, Egypte, vue d’ensemble, Website
  3. Etude relative au panorama des secteurs du développement urbain et du logement social, MP Bourzai, 2010.

MOUVEMENTS SOCIAUX

Problèmes majeurs

flv=http://www.darksite.ch/alachaine/spip/IMG/flv/COALITIONATHENS4presntt.flv

Vidéo de l’Association La Chaîne : « COALITION Européenne du Droit Logement et Droit à la Ville à ATHENES 21 et 22 juin 2015 » (4ème partie)

Le CENTRE EGYPTIEN POUR LES DROITS AU LOGEMENT explicite des situations faisant état de problèmes majeurs en matière de logement :

  • La législation égyptienne est en faveur du propriétaire, le locataire étant très peu protégé. De nombreux propriétaires fixent des contrats pour une année, afin de pouvoir augmenter les prix facilement.
  • Vu les prix très élevés des logements, y compris de ceux produits par l’Etat dans les années passées, l’Egypte connaît une situation grave d’habitants sans logement et de logements vides.
  • Les villes nouvelles connaissent des problématiques spécifiques : logements de luxe, faibles propositions d’emploi ce qui oblige à une forte mobilité,…
  • Un habitat informel important. Les bidonvilles se situent en périférie des villes, mais aussi au coeur des villes : de nombreuses personnes résident dans les cimetières !

Revendications ou propositions

Le CENTRE EGYPTIEN POUR LES DROITS AU LOGEMENT propose de :

  • Limiter la croissance de l’habitat informel en éliminant les causes du problème, c’est-à-dire l’exode rural massif suite aux conditions de vie en milieu rural.
  • Créer un fonds de soutien au logement pour les plus pauvres, notamment via les fonds perçus par ceux qui introduisent un permis de bâtir.
  • Mettre en place des procédures d’expulsion claires, avec information du citoyen, voire une aide au relogement et sans intimidation de la part de la police.

Quelques acteurs

  • EGYPTIAN FOUNDATION FOR REFUGEE RIGHTS – EFRR = une ONG fondée en 2008 dans le but de fournir gratuitement une aide juridique aux réfugiés devant les tribunaux égyptiens, les fonctionnaires de police et dans les centres de détention. EFRR souhaite assurer aux réfugiés l’accès et la jouissance de leurs droits, et travaille à la sensibilisation des droits des réfugiés en vertu de la loi égyptienne et internationale domestique. Site internet
  • THE EGYPTIAN CENTER FOR HOUSING RIGHTS – ECHR = une organisation non gouvernementale pour la défense du droit à un logement adéquat, en particulier pour les populations les plus vulnérables. Ses objectifs sont de lutter contre les expulsions forcées – tenter de fournir des alternatives logement aux personnes expulsées – créer des campagnes de sensibilisation pour le droit au logement – mettre en réseau les organisations intéressées par ce droit – sensibiliser la population à la défense de leur droit à un logement adéquat – aider à fournir des logements aux populations les plus vulnérables – fournir une assistance juridique. Site ECHRLes contacter.
  • LE CENTRE AFRICAIN DES DROITS DE L’HABITANT EN EGYPTE = association née d’un nouveau réseau de coopération en 2000 au Caire et dont l’objectif est de garantir le droit au logement pour les plus défavorisés. L’association mène des actions d’information aux habitants sur leurs droits ainsi que de lobbying politique. Fiche CITEGO