TOUR DU MONDE DE L’HABITAT VU PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE

Sénégal

#Mots-clés : Dernière mise à jour le 11 septembre 2019

Urbanisation

Au Sénégal, il existe trois types d’habitat (2006) (3) :

  • l’habitat régulier-immeubles-villas (62%)
  • l’habitat spontané (22%)
  • l’habitat de type villageois (16%)

Au niveau national, plus d’un ménage sur deux habite dans une maison “basse”, c’est-à-dire de plein pied, sans étages. Les maisons à étages et les appartements sont donc plus rares.

HISTOIRE DES VILLES

Selon une étude d’Africapolis, la population sénégalaise était de 9,5 millions de personnes en 2002 et devrait être de 15 millions en 2020. (1)

Le Sénégal compte déjà une trentaine de communes de plein exercice en 1960. En effet, un décret de 1957 octroyait aux chefs de territoire le pouvoir de créer des communautés rurales jouissant d’une certaine indépendance financière et représentant une personnalité morale. La décentralisation proprement dite est engagée avec la loi n° 72-02 du 1er février 1972 relative à l’organisation de l’administration territoriale à titre expérimental dans la région de Thiès. Elle est étendue à l’ensemble du territoire au cours des années suivantes. Enfin, en 1996, la loi 96-06 du 22 mars 1996 transforme les régions en collectivités locales. Désormais le Sénégal dispose de trois types de collectivités locales : les régions, les communautés rurales et les communes (communes d’arrondissement et communes de ville). (1)

Plusieurs définitions officielles de l’urbain sont utilisées au Sénégal. Pour les services de l’urbanisme, est urbaine une localité de plus de 5000 habitants, tandis que pour la DAT (Direction de l’Aménagement du Territoire), 2500 habitants confèrent le statut d’urbain. Toutefois, la définition comporte un critère démographique par défaut puisque selon le code des collectivités locales de 1996 (article 79), “ne peuvent être constituées en commune que les localités ayant un développement suffisant pour pouvoir disposer des ressources propres nécessaires à l’équilibre de leur budget. Aucune commune ne peut être constituée si elle ne comprend pas une population groupée d’au moins 1000 habitants”. (1)

Selon les statistiques établies par le site e-geopolis, le taux d’urbanisation était de 36% en 1976 et de 41% en 2002. (1)

HABITAT URBAIN

Le taux d’accroissement naturel de la population (2,9%) et l’exode rural ont favorisé une forte poussée des agglomérations urbaines et accru les besoins d’habitat. En 2008, 46,8% des Sénégalais vivaient en milieu urbain. Cette urbanisation rapide s’est traduite par une recrudescence de l’habitat spontané, souvent constitué de quartiers insalubres qui couvrent 30% des zones urbaines, particulièrement à Dakar où ce taux atteint environ 45%. (2)

L’auto-promotion (ou production sociale de l’habitat) reste le mode dominant de production de logements au Sénégal et couvre environ 80% du parc urbain de logements. (3)

La violence urbaine est une réalité dans certains quartiers urbains dont les facteurs sont complexes. Une étude de la FPH, sous la direction de Moussa Diop, permet entre autres de montrer les liens entre les montées de violence et l’urbanisation incontrôlée du pays. En effet, suite à des années de sécheresse, les habitants ont quitté les zones rurales pour investir les quartiers urbains, sans qu’aucune politique de développement intégrant milieu rural et urbain soit mis en place. Les villes ont alors grossi selon des modèles occidentaux incontrôlés créant des zones périurbaines hostiles où les populations sont contraintes à élaborer des techniques de survie. Télécharger le dossier.

HABITAT RURAL

Aspects légaux

DROIT AU LOGEMENT

Le droit au logement ne figure pas dans la Constitution sénégalaise de 2001. L’article 15 consacre le droit de propriété pour les hommes et les femmes tandis que l’article 16 assure l’inviolabilité du domicile. Texte Constitution. Cependant, selon un rapport de l’OMCT au Comité des Droits Economiques Sociaux et Culturels au Sénégal, il existerait une discrimination faite aux femmes, victime du droit coutumier en ce qui concerne le logement puisqu’on empêche les femmes divorcées de garder leur maison. La polygamie, condition qui touche près de 60% des femmes sénégalaises, n’améliore pas la situation : lorsque le mari meurt, la maison est vendue et toutes les veuves doivent quitter la maison avec leurs enfants. (4)

Le Sénégal a par contre signé en 1982 la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Le droit au logement y est protégé par les articles 14 (droit de propriété), 16 (droit de jouir du meilleur état de santé physique et mental que la personne soit capable d’atteindre) et 18(1) (protection accordée aux familles) de la Charte africaine. L’article 21 rappelle que les populations ne peuvent être spoliées de leurs richesses naturelles.

Le secteur du logement est caractérisé par un corpus légal et réglementaire fastidieux et complexe, peu accessible aux populations à faibles revenus ; ces dispositions impliquent une panoplie d’acteurs institutionnels. Ce sont au total 12 directions centrales de ministères différents qui interviennent dans les processus liés au logement. Les responsabilités entourant le logement sont ainsi fragmentées, réparties entre plusieurs directions et ministères aux logiques et procédures souvent disparates. Cette situation explique en grande partie les lenteurs dans les procédures, l’explosion des coûts et les dépassements budgétaires, la complexité des processus et donc la persistance des pratiques informelles ainsi que le défaut d’application des lois et règlements. Elle favorise aussi l’opacité et la corruption dans les processus d’accès au sol urbain. (3)

La lourdeur des procédures administratives pour obtenir l’enregistrement d’un droit foncier affecte les résultats du programme, laissant la possibilité aux conflits fonciers de se développer largement. (3)

EXPULSIONS FORCEES

DROIT FONCIER

A l’origine du système foncier sénégalais se trouve un ensemble de faits et de pratiques appelés coutume. Selon les coutumes sérères, wolofs, diolas,… la possession d’une terre par un groupe familial découlait de la première occupation, qui pouvait se matérialiser de différentes façons, parmi lesquelles le “droit de feu” et le “droit de hache”. Un groupe familial délimitait par un incendie un territoire déterminé où il s’installait OU défrichait un territoire pour l’exploiter. Le “droit” des premiers occupants était reconnu et respecté par tous, la gestion de la terre étant assurée par le maître de la terre (lamane) qui contrôlait et distribuait gratuitement cette terre. (3)

C’est en 1830 que les premières règles du droit foncier sont apparues au Sénégal. Un long processus d’immatriculation des terrains de l’Etat s’est entamé en 1900 pour s’achever en 1949.

Les dispositions juridiques qui régissent la gestion foncière au Sénégal reposent sur la Loi 64-46 du 17 juin 1964 portant sur la réforme foncière et domaniale. C’est le document de référence en matière de définition de la nature, de l’étendue, de la composition et des modalités de gestion des terres relevant du Domaine national. Ces terres du Domaine national sont classées comme suit :

  • les zones urbaines
  • les zones classées
  • les zones de terroirs
  • les zones pionnières

Cette loi stipule que “l’État est l’administrateur principal du patrimoine foncier national dont le mode de gestion repose sur l’affectation et la désaffectation”.

À travers la Loi 96-07 du 22 mars 1996 portant sur le transfert des compétences (processus de décentralisation) aux régions, aux communes et aux communautés rurales, les collectivités locales sont fortement impliquées dans la gestion domaniale. Les collectivités locales administrent les terrains du Domaine national sur leur territoire, en relation avec l’autorité administrative et les services techniques étatiques compétents. Toutes ces dispositions qui régissent la gestion foncière n’ont pas remplacé les pratiques coutumières et informelles qui demeurent une réalité incontournable dans les villes sénégalaises. Cette situation explique toute la complexité de la gestion foncière et elle est à l’origine de multiples conflits. Elle accentue aussi la prolifération des quartiers précaires.

En réalité, les capacités de l’Etat pour administrer le sol sont limitées et la majorité des ménages urbains se réfèrent au système coutumier ou informel pour accéder au foncier.

ACCAPAREMENT DES TERRES

Au Sénégal, ce sont près de 30% des surfaces arables disponibles qui auraient été accaparées (2013). C’est ce que déclare l’ONG ENDA Tiers Monde. Jusqu’à présent, l’accaparement des terres concerne davantage les acteurs nationaux (250 000 ha, soit 60 % des superficies recensées) que les acteurs étrangers (180 000 ha, soit 40 % des superficies). Ils ont été largement encouragés par les programmes initiés par l’Etat depuis 2006. Le plan REVA (Retour vers l’agriculture), la GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance). Source : ENDA (5)

Pratiques intéressantes

1) Coopératives d’habitat

Pour promouvoir le logement social, l’Etat favorise et soutient les coopératives d’habitat. Les coopératives se sont révélées être un instrument adéquat pour faciliter l’accès aux parcelles et aux logements pour les travailleurs du secteur formel, en raison notamment d’une fiscalité moindre (taux d’enregistrement), et des taux de remboursement de crédits préférentiels à la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS). Mais l’intervention des coopératives d’habitat est confrontée, entre autres, aux contraintes d’accès au foncier, au manque de financement et à l’augmentation des coûts des matériaux de construction (TVA, importation). La mise à disposition de terrains par l’État constitue une autre contrainte pour les coopératives d’habitat au Sénégal. Cependant, étant donné que la création d’une nouvelle coopérative constitue un véritable parcours du combattant, les personnes proches de la retraite ont tendance à se retirer du projet et à adopter des filières irrégulières pour devenir des propriétaires informels. En 2012, on estime qu’il existe sur le territoire pas moins de 740 coopératives regroupant 300.000 membres. (3)

2) Budget participatif

Rufisque Est (un district d’administration locale avec environ 50 000 habitants) est situé au sud de Dakar, la capitale du Sénégal, et a lancé son BP processus en 2009. La fourniture de services de base a été au cœur des priorités votés par ses habitants. Pour en savoir plus sur le concept de Budget Participatif ou lire le rapport du Prof. Cabannes sur le sujet (IIED 2014) : http://pubs.iied.org/pdfs/10713IIED.pdf

Aspects sociaux et économiques

MARCHE DU LOGEMENT

La particularité du secteur de l’habitat réside dans le fait que les besoins en logement sont devenus pressants pour une population (notamment urbaine) de plus en plus croissante, alors que les possibilités d’acquisition d’un logement sont limitées eu égard à la rareté des assiettes foncières viabilisées, aux coûts de construction élevés, et aux difficultés liées à des schémas de financement adéquats. (2)

Signalons que la taille moyenne d’un ménage est de 5 à 9 personnes, selon l’enquête sénégalaise auprès des ménages menée en 2004. Or près de la moitié des ménages dispose d’un logement de maximum trois pièces, soit 75 mètres carrés. (3)

Les prix des logements urbains ont fortement augmenté au Sénégal, à cause de la rareté des terrains aménagés et équipés et des parcelles titrées ; des coûts élevés des matériaux de construction ; de la spéculation foncière dans les villes ; de la non-participation des pouvoirs publics au financement des voiries et réseaux divers ; et de la fiscalisation élevée et multiple (TVA, taux d’enregistrement, etc.) du coût du logement. En 2012, le logement absorbe en moyenne 18% des revenus d’un ménage. (3)

Le statut d’occupation au Sénégal indique qu’il existe 17% de locataires contre 76% de propriétaires. Environ 7% des ménages sont logés gratuitement par un tiers. Cette proportion locataires-propriétaires est évidemment encore renforcée en milieu rural où il ne subsiste qu’1% de locataires. (3)

Les courtiers en zone urbaine : le courtier est un intermédiaire informel qui joue un rôle prépondérant dans le marché du logement. Il s’agit de particuliers qui ne sont pas enregistrés et qui opèrent dans des groupes de quartier. Il est le maillon essentiel des transactions informelles concernant les terrains et logements urbains. Il demande une commission proche des 5%, mais plusieurs courtiers peuvent travailler à une même transaction. Ils sont accusés de faire monter les prix du logement et d’opérer une concurrence déloyale vis-à-vis des agences immobilières. (3)

QUALITE DES LOGEMENTS

HABITAT INFORMEL / BIDONVILLE / SANS-ABRI

HABITAT INFORMEL

Selon le rapport UNHABITAT de 2012, l’habitat informel au Sénégal concernerait 25% de l’habitat urbain et 30% des superficies habitées à Dakar. Les inondations constitue le principal défi auquel font face les villes au Sénégal, notamment dans la banlieue de Dakar où 49% des logements sont concernés par les dommages (principalement Pikine et Guédiawaye). (3)

Une étude de terrain (Payne, Durant-Lasserve & Rakodi, 2008) montre que le fait de sécuriser les habitants (notamment via l’obtention de titre de propriété) incite ceux-ci à investir davantage dans l’amélioration de leur habitat. L’intérêt pour les pouvoirs publics de sécuriser l’habitat informel n’est donc pas tant dans l’augmentation des revenus (via des impôts) que de développer un marché foncier transparent, doté d’une légitimité sociale, et qui conduit à l’auto-amélioration des habitations. (3)

Rôle des pouvoirs publics

  • – Période post-coloniale (1960-73) : la demande de logement était faible et des crédits ont pu être trouvé afin de réaliser de vastes programmes d’habitat planifié.
  • – Premier choc pétrolier (1973-80) : l’acteur public mis en place doit stopper ses activités et les banques commerciales proposent des crédits beaucoup plus coûteux aux habitants. Ceci a eu pour conséquence de freiner les réalisations de logement – de développer une spéculation foncière multiforme – d’engendrer de l’habitat spontané. L’Etat a tenté de répondre à tous ces problèmes, notamment en mettant en place en 1979 la Banque de l’Habitat au Sénégal
  • – Une véritable politique de l’habitat (1980-89) : durant cette période, l’Etat est très actif, recréant une nouvelle institution spécialisée dans le financement du logement (BHS). La Banque de l’Etat financera des logements et des parcelles pour les sociétés immobilières et les promoteurs privés, mais aussi des coopératives d’habitat et de l’habitation pour des particuliers. Un autre organisme est créé afin de produire des terrains urbains viabilisés accessibles au plus grand nombre. Des règlementations nouvelles sont promulguées dans les filières de production de logement. De l’habitat social est développé sur le territoire à partir de 1989. Mais aucune action ne concerne l’habitat en zone rurale !
  • – Restructuration et régularisation foncière des quartiers non lotis (années 2000) : avec l’alternance politique, des choix de production de nouveaux logements surviennent. Un renforcement des prêts sans intérêts pour les agents de la fonction publique, l’encadrement des coopératives, la simplification de procédures foncières sont mis en place. Un programme de régularisation foncières des quartiers non lotis est mis en place, avec la relance de production de parcelles aménagées. Le logement locatif reçoit également des aides financières.
  • – Programme de lutte contre les zones inondables et les bidonvilles (depuis 2005) : l’Etat produit du logement social et déplace les populations en vue de mener de grandes opérations de rénovation urbaine. Des réserves foncières sont mises à disposition de ces programmes d’habitat, notamment d’habitat social.
  • – La lettre de politique sectorielle (2011-2021) : le diagnostic du secteur posé, l’Etat projette de mettre en oeuvre les cadres stratégiques qui lui sont dictés par les organismes internationaux tels que ONU/HABITAT ou le NEPAD. Parmi les lignes directrices, citons une meilleure gestion de l’espace des villes & agglomérations urbaines – l’amélioration de l’accès au foncier – la production de logements sociaux “une famille un toit” – la lutte contre les bidonvilles et les occupations irrégulières – …

Bibliographie & Sitographie

  1. AFRICAPOLIS, Dynamiques de l’urbanisation, 1950-2020 : approche géo-statistique, Afrique de l’Ouest, AFD, pp 86-92, 2011.
  2. Réseau Habitat & Francophonie, 3me conférence sur le thème Aménagement, politiques de l’habitat et gouvernance territoriale”, Dakar, mai 2011. Télécharger le rapport.
  3. ONUHABITAT, Profil du secteur du logement au Sénégal, 2012, pp 132.
  4. OMCT, Rapport au Comité des Droits économiques, sociaux et culturels, 2001. Document de l’OMCT
  5. ENDA, « Contre l’accaparement de terres », littérature grise, 2012

Selon la société civile

Problèmes majeurs

Revendications

Quelques acteurs

  • GRET SENEGAL = association sans but lucratif qui travaille en réseau international et regroupe les professionnels du développement solidaire. Au Sénégal, ils mènent entre autres des actions sur les filières agroalimentaires – l’accès à l’eau potable et l’assainissement – le renforcement des acteurs. Représentation au Sénégal : Site InternetLes contacter.
  • ENDA-RUP = Depuis sa fondation en 1972, ENDA Tiers Monde accomplit entre autres missions celle d’accompagner, par le conseil et l’apport de solutions novatrices, le développement des communautés les plus exposées à la précarité, dans la logique du développement durable. Concrètement, l’association réalise des appuis à la production sociale de biens et services et notamment en matière d’habitat ; le développement de l’entreprenariat local pour la gestion intégrée des ressources ; la promotion d’une gouvernance locale ; le renforcement des capacités des acteurs populaires et l’animation de réseaux de plaidoyer. Website ENDA
  • ATD Quart Monde Sénégal = un mouvement actif de combat et de résistance à la misère à l’extrême pauvreté actif depuis 1982 au Sénégal. Parmi leurs actions en lien avec l’habitat, on peut citer la promotion de l’habitat, des chantiers de solidarité ainsi que des mobilisations contre les inondations. Adresse : Sicap Liberté 4Villa N°5236 Complexe Léopold Senghor Pikine – Tél : 00221 33 82 42 846