TOUR DU MONDE DE L’HABITAT VU PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE

Décentralisation (urbaine)

Dernière mise à jour le 6 septembre 2019

Définition

Décentralisation de la gouvernance : De nombreux pays, au cours de ces 25 dernières années, ont entrepris un processus de décentralisation. Ce processus consiste en un transfert des compétences vers les niveaux inférieurs de gouvernance.

Cette notion nous vient des Etats Unis, puis s’est répandue dans les autres continents. Historiquement, on situe cette notion dans la volonté des USA de prendre avec force leur indépendance face au Royaume Uni. Cependant, chaque pays est un cas unique : les théories ne permettent pas de dégager un modèle unique de décentralisation de l’action publique, modèle unique qu’il suffirait d’appliquer pour obtenir des services publics plus efficients.

La notion de décentralisation est, selon les continents et selon les pays, envisagée différemment. Selon Dennis A Rondinelli de l’Université du Wisconsin et du Professeur Echraf Ouedrago de l’Université de Laval (Wikipedia), il existerait 4 types majeurs de décentralisation :

  • Décentralisation administrative (changement au niveau de l’organisation des administrations)
  • Décentralisation fonctionnelle (fonctionnement par délégation – mise en place d’organes de tutelle)
  • Décentralisation politique (changement au niveau des organes décisionnels)
  • Décentralisation structurelle (transfert de la propriété d’un acteur vers un autre)

Effets positifs ou négatifs ?

En fonction des sensibilités et des réalités de terrain, les acteurs sociaux estiment ce phénomène comme POSITIF (renforcement de la démocratie locale) ou NEGATIF (renforcement des inégalités géographiques).

EFFETS NEGATIFS DE LA DECENTRALISATION URBAINE

Roland Bénabou, dans son article (modèle économique), explique comment ce phénomène entraîne une polarisation ville-banlieue ainsi que l’apparition de ghettos. Il part de l’idée que la décentralisation renforce l’importance du “capital social” existant dans chaque entité territoriale. Ces inégalités de départ, n’étant plus “nivelées” par un niveau supérieur de décision (de redistribution), se trouvent accrues dans un contexte de décentralisation. Certains auteurs estiment que cette “fragmentation” de la puissance publique laisse dès lors plus de place à la société civile, ce qui peut se concrétiser par de simples groupes de citoyens mais aussi par des groupes organisés de la société civile qui s’arrogent de nouveaux espaces décisionnels. Dans tous les cas, cet affaiblissement de l’autorité publique ouvre des brèches dans lesquels peuvent s’infiltrer des groupes de pressions, y compris privés. Anne Bisang, Directrice de la Comédie à Genève, résume ainsi les effets pervers de la décentralisation urbaine : Un théâtre est un centre. depuis des temps immémoriaux, il est le lieu du rassemblement et de l’échange. Plusieurs théâtres peuvent cohabiter dans un même centre. Or multiplier les centres hors du centre divise le centre et l’annule.

EFFETS POSITIFS DE LA DECENTRALISATION URBAINE

De nombreux pays dans le monde se sont lancés dans un processus de décentralisation. Il s’agit de mettre en place une gestion de proximité ou gouvernance locale permettant aux gestionnaires de la ville et aux collectivités locales d’être davantage actrices du devenir de leur ville, de pouvoir mettre en place des processus de participation citoyenne. Ceci n’est possible que si certaines conditions sont remplies : transparence des décisions, précision de l’information, droit à être consulté, mécanisme équilibré de contrôle des collectivités locales, etc.

Informations sur la situation dans le monde

EN AFRIQUE : lors du sommet Africité de décembre 2012, de nombreux élus locaux ont rappelé combien décentralisation des compétences riment avec décentralisation des moyens (humains et financiers) pour que le processus aboutisse positivement. Elle a commencé dans les années ’90, suite au contexte de désorganisation généralisé, dans l’espoir que la décentralisation permettrait de faire mieux que le système antérieur. Cependant la notion même de décentralisation est mise en oeuvre différemment selon les pays et les réalités de terrain. Si au Sénégal et en Afrique du Sud les communes urbaines et rurales sont mise au même niveau, le Swaziland a donné une autonomie financière et de gestion à ses entités urbaines mais pas aux autorités rurale : les échelles de décentralisation sont variables selon les zones. Certains pays n’autorisent à la décentralisation que les entités capables de mobiliser un certain montant du budget communal. Ainsi, selon les pays, il existe un nombre plus ou moins important de statuts divers pour les collectivités locales.
EN ASIE : lors du colloque AIMF à Phnom Penh en mars 2013, certains élus locaux asiatiques se sont exprimés sur le chemin à parcourir vers la décentralisation. Au Cambodge, pays décentralisé depuis 2002, une distinction est faite entre décentralisation (délégation de pouvoir politique, fiscal et administratif) et déconcentration (autonomie des provinces et des villes). Ici également la décentralisation des “moyens financiers” semble difficile. Dans certaines mégapoles asiatiques, le terme de décentralisation signifie également une forme de délocalisation de la population et des activités pour désengorger les centres urbains (ex : Tokyo), ce qui peut également se dire ”étalement urbain”. La décentralisation en Chine est un des piliers de la réforme économique chinoise depuis 1978. Il signifie tout à la fois une délégation des pouvoirs de l’administration centrale aux collectivités locales, mais aussi des autorités chargées de la planification vers les entreprises publiques. Il s’agit, pour ces dernières, de les mettre dans un système de “responsabilité budgétaire”. Parmi les constats actuels de cette politique, citons un déficit public accru et une augmentation des disparités entre les provinces.
EN EUROPE : Certains pays ayant historiquement une gestion très centralisée (comme la France) souhaitent également entrer dans un processus de décentralisation, dans la perspective qu’in administre bien “que de près”. La question du logement, de l’habitat est aujourd’hui bien souvent renvoyée vers les entités décentralisées supposées tout à la fois mieux connaître les besoins spécifiques locaux et dès lors pouvoir mettre en place les réponses locales les plus appropriées. Certains pays estiment que cette décentralisation ne peut se faire efficacement que dans le cadre d’un plan global d’ensemble. Ceci signifie qu’il faut mettre en place des autorités “de tutelle” capables de donner ces orientations générales ainsi que de trancher les litiges éventuels, au nom du bien supérieur. Certains estiment que le phénomène de décentralisation a été ou va de pair avec la privatisation des services publics.
EN AMERIQUE LATINE : la notion de gouvernance urbaine y est assez récente (fin des années ’90), introduite par le Brésil. Cette gouvernance est comprise comme “la relation entre la société civile et l’Etat, entre les dirigeants et les dirigés, le gouvernement local et les gouvernés” (Stren, 2000:4). C’est donc l’interdépendance entre l’Etat et la société civile qui est au coeur du débat. Cette décentralisation doit s’accompagner d’une délégation des compétences. C’est sans doute dans cette perspective que l’on doit comprendre le ”budget participatif” né à Porto Alegre au Brésil comme un exemple concret de décentralisation.

Sources :

  • Agence Française de Développement (AFD)
  • Bénabou Roland, “Quelques effets de la décentralisation sur les structures urbaines et le système éducatif”. In Revue économique. Volume 46, n°3, 1995. pp. 595-604.
  • African Association for Public Administration and Management, sub theme : Impact de la décentralisation sur la gouvernance au Cameroun, Tanzanie, 2006.
  • Bernard Jouve, “Gouvernance et décentralisation : les masques tombent enfin.”, EspacesTemps.net, Travaux, 17.01.2004. http://www.espacestemps.net/en/articles/gouvernance-et-decentralisation-les-masques-tombent-enfin-en/
  • François Paul Yatta, La décentralisation fiscale en Afrique, Karthala, 2009.
  • Jean-François Jolly, Régir le territoire et gouverner les territoires : décentralisation et territorialisation des politiques publiques en Colombie, L’Harmattan, France, 2008.
  • Kiichiro Fukasaku, Luiz R. de Mello, La décentralisation budgétaire dans les économies émergentes, OCDE, 1999.